mardi 16 septembre 2014

"La Haute-Marne américaine de 1917 à 1919"

Le 1er septembre 1917, le général John J. Pershing, commandant le corps expéditionnaire américain en France, installe son grand quartier-général à Chaumont, en Haute-Marne. Un choix dicté à la fois par le désir de quitter Paris et celui de se rapprocher des théâtres d'opérations dans lesquels ses troupes seraient amenées à opérer. Dès lors, ce département profondément rural va devenir le lieu de passage obligé pour quelque deux millions de Sammies, jusqu'à être le berceau de la seule division de l'armée américaine – toujours en activité – créée hors le territoire national – à Bourmont. En découvrant ces hommes de toutes origines, de toutes couleurs venus d'un autre continent, le Nouveau-Monde, les Haut-Marnais vont rapidement éprouver un choc. Et inversement. Rapidement, la stupéfaction, l'incompréhension mutuelles vont céder la place à des relations privilégiées entre ces «grands enfants» arrivés d'Outre-Atlantique et la population haut-marnaise, au sein de laquelle les plus jeunes ne seront pas les moins marqués par cette rencontre. C'est cette cohabitation entre deux civilisations si disparates que Didier Desnouvaux évoque dans la nouvelle publication du club Mémoires 52, «La Haute-Marne américaine de 1917 à 1919». Asseyant son récit sur les impressions des instituteurs haut-marnais, prolongeant son travail par la consultation de documents conservés par les Archives départementales de la Haute-Marne mais également par l'intégration de témoignages inédits puisés aux Etats-Unis, l'auteur nous propose la première étude entièrement consacrée à cette période majeure de l'histoire du département. Un travail utilement complété par des recherches sur le sort des étrangers présents en Haute-Marne à la déclaration de guerre en 1914, sur la plus importante – et totalement ignorée – mutinerie de Poilus sur le sol du département (à Poissons), et sur la présence forcée des combattants russes dans la région de Bourmont et de Saint-Blin. En 220 pages, dont 30 d'illustrations, Didier Desnouvaux marque, de façon originale, mais essentielle, la contribution du club Mémoires 52 au souvenir d'un conflit ayant déchiré l'Europe il y a un siècle. L'ouvrage, au prix de 25 euros (plus frais de port), est disponible auprès du club Mémoires 52, au 1 bis, rue Dutailly, 52000 Chaumont ou au 28, rue de Verdun, 52100 Bettancourt-la-Ferrée.

mardi 26 août 2014

Gérard-Varet, une famille aux attaches haut-marnaises

Louis-Antoine Gérard a vécu quelque temps à Chaumont. Marié avec une demoiselle Costes, il résidait rue du Viaduc, dans une cité où il était professeur de philosophie. C'est là, le 27 décembre 1892, qu'est né un fils, Louis-Georges-Auguste Gérard-Varet. Puis la famille a rejoint Dijon, où a vu le jour, en 1895, François-Henri. Enfin, elle s'installe en Bretagne, M. Gérard ayant été nommé recteur de l'Académie de Rennes. Lorsque la guerre de 1914 éclate, Louis-Georges, alors étudiant en droit, est appelé au 41e régiment d'infanterie, mais se tourne vers l'aviation en juin 1915. Breveté pilote en septembre, il rejoint l'escadrille C 10, au sein de laquelle il est blessé à plusieurs reprises, notamment fin juillet 1918. Sergent en 1916, sous-lieutenant en 1917, il termine le conflit avec la médaille militaire et la Croix de guerre, puis sera fait membre de la Légion d'honneur. Son frère cadet, François-Henri, sera également pilote d'avion Caudron, en janvier 1916. Venu du 117e RI, sous-lieutenant en avril 1918, Gérard-Varet servait dans l'escadrille C 13. Officier dans un régiment de bombardement, il sera fait chevalier de la Légion d'honneur en 1920 et décédera en 1954 à Paris. En soi, la qualité de Chaumontais de naissance justifie qu'on s'intéresse à la famille de Louis-Georges Gérard-Varet. Mais il y a plus extraordinaire : le 1er juin 1944, un officier franco-américain de l'OSS est parachuté près de Leffonds et va, grâce à ses liaisons radio, contribuer de façon importante à l'armement des FFI haut-marnais. Un officier nommé... Louis-Frédéric Gérard-Varet Hyde, qui n'est autre que le neveu des aviateurs. Ainsi donc, le jeune homme de 24 ans, fils d'un soldat américain, est amené à opérer dans le département où son grand-père maternel a jadis enseigné ! Ultime signe du destin : sa mission était baptisée «Glover », pour gantier, référence évidence à Chaumont, une des capitales mondiales de la ganterie...

lundi 25 août 2014

Haut-Marnais de la libération de Paris

Paris célèbre actuellement sa libération. L'occasion de rendre hommage à des FFI haut-marnais ayant péri lors des combats. Marceau Colin est originaire de Brousseval. Il trouve la mort le 27 août 1944 à Montigny-lès-Cormeilles. Une rue de cette commune porte son nom. Né à Chaumont, Jean Dacher est tué le 22 août à Paris. Une plaque rappelle sa mort avec deux FFI à l'angle de la rue d'Avron et du boulevard de Charonne. Originaire de Saint-Urbain, Raymond Mary tombe le 25 août à Saint-Maur-des Fossés. Enfin, Roger Séjournant, né à Serqueux, trouve la mort le 20 août 1944 à Paris. Parmi les Haut-Marnais ayant pris part aux combats de la Libération, outre ceux servant au sein de la division Leclerc, citons, parmi les résistants, Louis Régnier, de Chaumont, que le général de Gaulle vient de nommer préfet de la Haute-Marne, et le commandant Marcellin, de Cirey-les-Mareilles.

dimanche 17 août 2014

Le pilote Guidon, d'Osne-le-Val, dans les premières reconnaissances aériennes de la Grande Guerre

Nous avons déjà, ici, brossé la carrière de l'adjudant-chef pilote Gaston Guidon, mort pour la France durant la Grande Guerre. Si nous avons choisi de revenir sur elle, c'est pour rappeler, en ce centenaire, que ce natif d'Osne-le-Val (il est né le 11 juin 1883), fils d'Ambroise Guidon et Marie-Amanda Brodard, a participé aux premières reconnaissances aériennes du conflit. Lorsque celui-ci éclate, Guidon vient de se voir conférer, le 11 juillet 1914, la médaille militaire. Il est affecté, comme pilote, à l'escadrille BL (pour Blériot) 18 du capitaine Boucher, constituée le 2 août 1914 au sein du 1er groupe d'aviation et affectée à la 1ère armée. Mise sur pied à Dijon, comptant 39 hommes, l'escadrille se porte le 8 août 1914 à Jussey, le lendemain à Epinal, le 15 août à Rambervillers. C'est de ce terrain vosgien, le 16 août, qu'il décolle à 5 h 15, emmenant pour observateur le capitaine Julliard. Leur mission : reconnaître les forces allemandes dans la région d'Hattigny, Lorquin et Heming, en Lorraine. Dans un compte-rendu à son chef d'état-major (cité dans l'oeuvre «Les armées françaises dans la Grande Guerre»), le commandant Gascouin rapporte que Guidon, qui a volé à 1 000-1 100 m jusque 7 h et pu identifier l'équivalent de deux compagnies ennemies près de Niederhoff, est rentré avec «onze balles dans son appareil». Durant cette période, les Blériot doivent tout à la fois coopérer au réglage des tirs d'artillerie, reconnaître les champs de bataille et explorer le territoire derrière les lignes. D'où une «fatigue générale des appareils», écrira un colonel. De fait, le 25 août 1914 (la date est donnée par le dossier de légionnaire de l'adjudant-chef Guidon), l'appareil pilote par l'adjudant Guidon s'écrasera, le Haut-Marnais ayant les deux cuisses fracturées. Le 30 août, il sera fait chevalier de la Légion d'honneur au titre du tableau spécial. Le journal Le Temps mettra d'ailleurs à l'honneur «Guidon, adjudant, pilote aviateur ; grièvement blessé au cours d'une reconnaissance aérienne». Adjudant-chef le 11 mars 1915, mort accidentellement le 15 décembre 1916, à l'âge de 33 ans, Guidon sera également titulaire de la Croix de guerre. Pour l'anecdote, le sous-officier, alors affecté au centre de Belfort, devant participer à une fête de l'aviation à Langres, dans son département natal, a dû atterrir à Prauthoy en raison du brouillard, quelques semaines avant la mobilisation générale. Avant son engagement en 1902, il était ajusteur à Longeville-sur-la-Laines. Nous publions le portrait de l'aviateur haut-marnais avec l'aimable autorisation d'Albin Denis, spécialiste de l'aviation française durant la Grande Guerre.

vendredi 1 août 2014

Au revoir André

Son père était originaire de Neuvelle-lès-Voisey, près de Bourbonne. Sa mère native de Lannes, près de Langres. Lui est né à Pressigny, dans le canton de Fayl-Billot, a été élu de Voisines, est décédé à Chaumont. S'il a passé la majeure partie de sa vie professionnelle hors de métropole, André Grossetête (1930-2014) est resté indéfectiblement attaché à son terroir haut-marnais. Formé au métier d'instituteur à Chaumont, enseignant en Algérie et en Afrique (il a été directeur général de l'enseignement au Dahomey), inspecteur d'académie à Amiens et à Nice, André n'a jamais cessé de se souvenir du département qui l'a vu naître, où il est venu passer sa retraite, et où il reposera à compter de lundi. Douze ans après la disparition de Jean-Marie Chirol, le club Mémoires 52 pleure un de ses membres parmi les plus actifs, qui a co-écrit - et encore récemment - nombre de ses œuvres. Chroniqueur du massacre des maquisards de Voisines, attaché à l'histoire de son village d'adoption (où son admirable épouse Josette repose depuis 2007), plus généralement à celle de son département, André Grossetête, chantre de l'œuvre de Stendhal, mérite de figurer au Panthéon des plus exceptionnels enfants du territoire haut-marnais. C'est du moins l'avis de ses amis du club Mémoires 52.

mercredi 23 juillet 2014

Aviateurs alliés capturés à Mathons

Voici bientôt quatre décennies que Jean-Marie Chirol, seul d'abord, puis avec les membres du club Mémoires 52, a initié un formidable travail de recensement des appareils alliés tombés sur le sol haut-marnais entre 1942 et 1944 : 26 ou 27 (car un doute subsiste toujours quant à la chute d'un avion américain à Condes, début septembre 1944)... Grâce à cette œuvre pionnière, et grâce à la compréhension de plusieurs municipalités (Consigny, Domrémy-Landéville, Mussey-sur-Marne, Vignory...), le souvenir de ces héros du ciel a été perpétué au travers de brochures et d'expositions concoctées par notre association, de monuments, de cérémonies auxquelles ont d'ailleurs participé plusieurs rescapés. Point d'orgue de ce travail de longue haleine : l'inauguration, en 1993, d'un monument dédié aux 112 aviateurs alliés identifiés pour qui la Haute-Marne fut le dernier tombeau. Soixante de leurs camarades ont survécu, une partie échappant à la capture grâce au dévouement de nombreux patriotes, une autre étant faite prisonnière. C'est le cas des sept aviateurs tombés aux mains des Allemands le 10 août 1944 lors de l'attaque du maquis Garnier, en forêt de Mathons. Selon l'historien britannique Oliver Clutton-Block, ces captifs correspondent au flight-sergeant Norman Oates, de l'appareil tombé à Chatelraould (Marne) ; au flight-sergeant canadien J. C. Wellein (49 squadron), dont le Lancaster est tombé dans la nuit du 18 au 19 juillet 1944 à Saint-Ouen-en-Domprot (Marne) ; et aussi, probablement, au sergent G. A. Alexander (Lancaster du 630 squadron tombé à Chassericourt, Aube, le 18 juillet 1944), aux flight-sergeant S. R. Ashton et E.H. Wells (du Lancaster du 630 squadron abattu à Togny-aux-Boeufs, Marne, dans la nuit du 18 au 19 juillet 1944), au sergeant W. G. Barlow (Lancaster du 49 squadron abattu dans la nuit du 18 au 19 juillet 1944 à Saint-Ouen-en-Domprot), et au flight-lieutenant K. Stevens (Lancaster du 156 squadron, tombé le 14 juillet 1944, à Ancerville, Meuse). Toutefois, selon le site Internet consacré au réseau d'évasion Comète, Wellein et Barlow auraient plutôt été capturés le 7 août 1944 dans la région parisienne. A l'inverse, le flight sergeant navigateur W. H. Devine, du Lancaster du 419 squadron (canadien) abattu dans la nuit du 24 au 25 juillet 1944 à Bassu (Marne), pourrait figurer parmi les sept captifs. C'est du moins l'hypothèse formulée par un résistant marnais, Georges Vaucouleur, qui a recueilli et hébergé l'aviateur canadien jusqu'au 7 août.

jeudi 8 mai 2014

Employé bragard et partisan biélorusse

C'est en septembre 1939, en raison de la déclaration de guerre, qu'un cheminot lorrain en poste à la frontière allemande, François Sausy, s'établit avec sa famille à Saint-Dizier. Son fils Marcel, né à Sarreguemines en 1920, titulaire d'un bac de mathématiques élémentaires, trouve alors un travail dans la cité bragarde, le 2 janvier 1940 : il devient dessinateur industriel aux établissements Pigeat-et-Hazart. Gymnaste sous les couleurs de l'Association sportive Saint-Dizier-Marnaval (ASSM), ami de Robert Paquis et Paul Guichard, Marcel Sausy connaît alors le sort de milliers d'Alsaciens-Lorrains : il est incorporé de force dans l'armée allemande, mais déserte en octobre 1943, et rejoint les rangs des partisans soviétiques en Biélorussie. L'employé bragard partagera les rudes conditions de vie de ses camarades pendant huit mois, avant d'être fait prisonnier par les Allemands le 25 juin 1944, près de Minsk. Les troupes de l'Armée rouge le libéreront le 29 avril 1945 dans le kommando de travailleurs de Gützkow. Dix-sept ans plus tard, Marcel Sausy se verra remettre, des mains d'un représentant de l'ambassade soviétique à Paris, la médaille «Au partisan de la guerre patriotique» de première classe, qui lui avait été promise avant sa capture. Marcel Sausy est décédé à Courbevoie, en région parisienne, en 1988. Son extraordinaire destinée a été évoquée dans le numéro 23 (février-mars 2001) de «Dossier 52», la publication du club Mémoires 52.

samedi 15 février 2014

Dessoye, ministre il y a 100 ans

Jean Macé a donné son nom à plusieurs écoles de Haute-Marne, notamment à Saint-Dizier et Chaumont. Mais sait-on qu'il entretenait des liens particulièrement étroits avec ce département ? Il est venu notamment à Breuvannes-en-Bassigny, en 1884, comme témoin de mariage de son ami Arthur Dessoye avec une demoiselle Renard. Breuvannes est en effet le village d'origine des Dessoye, qui y possédaient (avec la famille Painteindre) une manufacture de limes dont la qualité était signalée dès 1827. Fils de Jean-Baptiste-Joseph, Sébastien-Adolphe Dessoye, né à Breuvannes en 1817, se mariera en 1853 avec Clarisse Voillemin, originaire de Bize, et s'établira à l'autre bout du département, comme percepteur, à Auberive, où naîtra un fils, Arthur, Charles, Sébastien, le 23 août 1854. Après avoir vécu à Chaumont, Arthur, à moins de 30 ans, s'établit à Brest, dans le Finistère, où il sera rédacteur en chef d'une publication, La Dépêche à Brest. Le Haut-Marnais se signalera comme l'auteur d'études sur Brest sous la Restauration, sur Jean Macé et la fondation de la Ligue de l'enseignement. Futur sénateur, franc-maçon, Jean Macé (1815-1894) a en effet créé cette Ligue en 1866 (sous le Second Empire), alors qu'il était enseignant en Alsace. Deux Haut-Marnais de naissance sont devenus des figures de la Ligue : Camille Flammarion, de Montigny-le-Roi, président du Cercle parisien, et Dessoye, vice-président puis président (1906-1919). Ami de Raymond Poincaré, Dessoye sera député radical de la Haute-Marne (1906), ministre de l'Instruction publique pendant quatre jours en juin 1914. Chevalier de la Légion d'honneur depuis 1896, il meurt le 30 avril 1927 à Breuvannes. Moins d'un siècle plus tard, un autre parlementaire haut-marnais, Luc Chatel, sera ministre de l'Education nationale.