jeudi 17 mars 2011

Il y a 100 ans, un aéroplane se posait à Chaumont




Le lieutenant pilote Remy (photo aimablement communiquée par Albin Denis, animateur d'un site sur les débuts de l'aviation militaire française).

L’événement n’a pas bouleversé l’Histoire de l’aviation. Mais il a marqué pour le moins la population chaumontaise : le 13 avril 1911, soit près d’un an après un événement similaire à Valleret, près de Wassy, puis à Saint-Dizier, un aéroplane se posait sur le sol du chef-lieu haut-marnais. En l’occurrence, un biplan Farman 11, piloté par un pionnier de l’aviation militaire, le lieutenant du génie Rémy.
Il s’agit vraisemblament de cet aviateur, prénommé Henry, né à Saint-Germain-en-Laye en 1881, titulaire du brevet de pilote mondial n°143, qui parviendra au grade de capitaine et mourra, avec le capitaine observateur Faure, dans la chute de son avion, le 5 novembre 1914, à Issy-les-Moulineaux.
L’officier avait décolé de Mourmelon (Marne) pour rejoindre Besançon, où était caserné son régiment du génie d’origine. « Après avoir voyagé à 1 000 m de hauteur moyenne, malgré la brume et le froid, rapporte le journal L’Aérophile, il faisait escale à 7 h (du soir, sans doute, Ndlr), à (La) Croix-Coquillon, près de Chaumont. » En fait, selon le journaliste haut-marnais Robert Collin, c’est exactement près du bois Beauregard, au-dessus de Buxereuilles, que l’appareil a dû se poser.
L’officier ne pourra poursuivre son vol et passera la soirée en compagnie du général commandant la 13e division d’infanterie à Chaumont. C’est le lendemain, à 4 h 25, que Rémy parvient à redécoller et à rejoindre sa destination.
Deux ans plus tard, Chaumont verra l’inauguration de sa station d’atterrissage, non pas à La Croix-Coquillon, mais à La Vendue. C’est d’ailleurs un pionnier chaumontais de l’aviation militaire, le commandant Charles-Henri Lindecker, commandant en second le 2e groupe aéronautique à Reims, qui viendra représenter le ministère de la Guerre à cette inauguration (octobre 1913).
Si la cité chaumontaise fait aujourd’hui partie de l’Histoire de l’aviation, ce n’est pas grâce au site de La Vendue, mais à celui de Semoutiers, à une dizaine de kilomètres de là, où seront stationnés en 1939-40 des groupes de l’armée de l’air française, puis dans les années 50-60 l’USA air force. Aujourd’hui, le site est occupé par le 61e régiment d’artillerie, qui met en œuvre ces aéronefs sans pilote que sont les drones.

vendredi 11 mars 2011

Missions spéciales alliées en Haute-Marne (1944)




Légende de la photo : le capitaine jedburgh Maurice Geminel. Photo prise dans l'abbaye d'Auberive. Le colonel Geminel est membre du CM 52.

La participation des agents alliés aux opérations de la Résistance haut-marnaise, à l'été 1944, a longtemps été méconnue, faute d'informations sans doute. Cela nous a paru d’autant plus dommageable que les représentants britanniques, américains et français des missions spéciales ont apporté, dans leurs rapports, un regard fort intéressant, parce qu’extérieur, sur les difficultés mais aussi sur les succès des patriotes de ce département. Voici un essai de recensement des opérations aériennes et terriennes impliquant des agents alliés, paru dans notre ouvrage « 1944 en Haute-Marne » en 2004.


Jeudi 1er juin 1944.
Dans la nuit du 1er au 2, deux parachutages ont lieu en Haute-Marne : des armes sur le terrain « Toboggan », près de Voillecomte, deux hommes près de Leffonds. Il s'agit d’officiers américains d’origine française de l’OSS, les lieutenants René Jean Guiraud (« André »), originaire de Chicago, et Louis Gérard-Varet Hyde (« Frédéric »). Constituant le circuit « Glover » du Special operations executive (SOE), ils sont les deux premiers agents des services spéciaux alliés à être parachutés en Haute-Marne. Lire au sujet de cette mission l’excellent ouvrage d’André et Josette Grossetête consacré à la fin tragique du maquis de Voisines.

Mardi 27 juin 1944. 
Le chef du circuit « Glover », le lieutenant américain Guiraud (« commandant André »), est capturé à Langres avec deux hommes, dont Gaston Simonet, qui s'évadera de l'hôpital local grâce aux religieuses et à la direction de l'établissement. Déporté, Guiraud sera le seul citoyen américain présent à Dachau lors de la libération du camp. Son coéquipier Hyde restera dans le Sud haut-marnais jusqu'à la libération, organisant de nombreux parachutages.

Lundi 10 juillet 
Dans la nuit du 10 au 11, parachutage d'armes sur le terrain « Gargouille », près de Robert-Magny. Deux membres du circuit SOE « Pedlar », parachutés la veille dans l'Aube, participent à cette opération : le lieutenant Robert Cormier dit « Bob », saboteur américain, et le sergent radio britannique Herbert Roe, dit « Maurice ». Leur chef, le major Nicholas Bodington (« Nick »), de la section française du SOE, saute cette même nuit près de Troyes.

Dimanche 23 juillet 
Un avion Stirling du Squadron 190 s'écrase près de Graffigny-Chemin. Il transporte le premier élément de l'opération SAS « Rupert », qui doit opérer dans la région du Der. Parachutistes ou membres de l'équipage, il y a treize victimes (dont le major Félix Symes et le lieutenant Ian Grant, du 2e régiment SAS) et trois survivants.

Vendredi 4 août 
Dans la nuit du 4 au 5 août, le groupe du lieutenant Donald V. Laws, du 2e régiment SAS, saute près de Bailly-le-Franc (Aube), aux confins de la Marne et de la Haute-Marne. L'opération « Rupert » est enfin lancée.

Vendredi 11 août 
Dans la nuit du 11 au 12, le commandant Michel Pichard (« Pic » ou « Gauss »), nommé délégué militaire départemental de la Haute-Marne par le général de Gaulle, sa soeur Cécile (« Altesse ») et le radio Maurice Roschbach (« Sévillan ») sont parachutés sur le terrain « Hôtel », à Rivière-les-Fosses, dans le cadre de la mission « Génératrice ». Ils établiront leur PC à Courcelles-sur-Aujon.

Samedi 12 août 
Dans la nuit du 12 au 13, les groupes des lieutenants Peter Cameron et Marsh, du 2e régiment SAS, sautent près de Giffaumont, toujours dans le cadre de l'opération « Rupert ». L'équipe Cameron opérera ensuite dans la région de Chevillon et Morley. Pour sa part, le lieutenant Laws, qui a réceptionné les deux groupes, ira se fixer en forêt de Trois-Fontaines (Marne).

Jeudi 17 août 
. Dans la nuit du 17 au 18, l'équipe jedburgh « Bunny » est parachutée sur le terrain « Amarante » de Selongey (Côte-d'Or). Elle comprend le capitaine Jocelyn F. Radice, venu du 2e régiment SAS, le capitaine Maurice Géminel (« Gerville »), un Meusien de 24 ans qui avait été blessé près de Perthes le 14 juin 1940, et le sergent radio « Jim » Chambers. Le commandant Pichard les dirige sur le maquis de la ferme de la Salle (Auberive).- « retrouvé » par le club Mémoires 52 en 2000, le colonel Géminel est un fidèle membre de notre association.

Mardi 22 août.
. De retour d'une liaison en Côte-d’Or auprès de l'état-major de la Région D (dont dépend la Haute-Marne), les capitaines Radice, Géminel (de l'équipe « Bunny ») et Carteron, chef du maquis de la Salle, ainsi que quelques maquisards, sont pris sous le feu allemand à Plesnoy. Jocelyn Radice, 26 ans, ancien combattant d'El Alamein, est blessé par balles aux deux genoux. Soigné à Orbigny-au-Mont puis à la ferme de la Salle, il est conduit à l'hôpital de Langres sous une fausse identité, mais y succombe le 27 août.

Mercredi 23 août
. Ordre de guérilla générale pour les FFI de la Région D.
. A Giey-sur-Aujon, des SAS accrochent des soldats allemands, qui perdent un tué. Commandés par le capitaine Grant Hibbert, ces hommes appartiennent eux aussi au 2e régiment SAS, mais dans le cadre de l'opération « Hardy ». Ils sont basés entre Gurgy (Côte-d'Or) et Arbot. Le lendemain, en représailles, les Allemands tirent au mortier sur le village, sans faire de victime.

Jeudi 31 août
. Dans le Sud-haut-marnais, l'escadron D du 2e régiment SAS se fixe près d'Auberive, au lendemain d'une action menée contre la garnison de Châtillon-sur-Seine. Commandé par le célèbre major canadien Roy Farran, il comprend le détachement du capitaine Grant Hibbert (opérant depuis la fin juillet entre Recey-sur-Ource et Arbot) et celui de Farran, qui a quitté Rennes avec ses jeeps armées le 19 août. Dans la nuit, sept jeeps supplémentaires sont parachutées au profit des SAS (sans doute sur le plateau de Vivey), portant le nombre de véhicules à 18.
. A minuit, sur le terrain « Hôtel » de Rivière-les-Fosses, un avion Stirling largue l'équipe jedburgh « Stanley », ainsi que deux officiers de la Direction générale des services spéciaux, les jeunes sous-lieutenants André Burguière (« Denis ») et Claude Voillery (« Ely »), formés par l'Ecole des cadets de la France libre. L'équipe « Stanley » est composée de deux Anglais, le capitaine Oswin E. Craster et le sergent E. J. Grinham, et d'un Français, le lieutenant Robert Cantais (« Carlière »). Tous iront servir dans le maquis de Bussières.- membre du conseil d’administration de la Fondation De Gaulle, Claude Voillery, qui a été membre du CM 52, garde un souvenir ému de sa présence au sein d’une compagnie du maquis de Bussières. Son ami Burguière a trouvé la mort en 1945 en Hollande.

Vendredi 1er septembre
. Dans la nuit du 1er au 2, sur le terrain « Félix », non loin d’Auberive, parachutage du lieutenant Dominique Mendelsohn (« Benjamin ») pour le circuit « Glover », et parachutage d’armes sur le terrain du Fréhaut, à Soulaucourt-sur-Mouzon.

Samedi 2 septembre 
. Adjoint au commandant de la 35e DIUS, le général de brigade Edmund B. Sebree arrive à Joinville à la tête d’un groupement qui relève le CCB de la 4e DBUS. Sa mission, jusqu'au 9 septembre : assurer la sécurité du flanc droit de la 3e Armée. Ce jour-là, Sebree envoie en mission une traction avant sur Chaumont. Entre Brethenay et Condes, elle est prise vers 14 h sous le feu allemand : le chauffeur Roger Blandin est blessé et capturé, et le FFI André Legros, 19 ans, de Joinville, tué. L’autre passager, le sous-lieutenant Bernard Sabouret Garat de Nedde, dit « Lenormand », parvient à s’échapper, via Riaucourt et Bologne. Là, Pierre Ambrazé, ingénieur des Ponts et chaussées, lui confie sa moto qui permet à l’officier de rejoindre Joinville. Il avait été parachuté quelques jours plus tôt à la ferme de Baudray (Osne-le-Val) avec trois autres officiers : son radio « Montigny » (Michel Faivre) dans le cadre de la mission « Bébé », Raymond Marmande (« Larcy ») et le radio «Bussy» (Georges Brana) dans le cadre de la mission « Chat ». Note : c’est en 2004 que le CM 52 a identifié le sous-lieutenant Sabouret Garat de Nedde comme étant l’officier survivant de l’embuscade de Brethenay. Coïncidence : son épouse a des attaches familiales à Autreville-sur-la-Renne.
. L'équipe jedburgh « Arnold » (capitaine Michel de Carville, lieutenant JHF Monahan et sergent Alan de Ville) quitte la Marne, où elle a été parachutée, pour Montier-en-Der puis Saint-Dizier, où elle est mise à la disposition du major Bodington. 
. Le major Farran scinde son squadron SAS en trois détachements : le capitaine Hibbert avec huit jeeps ira servir aux côtés du maquis de Varennes, lui-même avec huit jeeps se porte vers la forêt de Darney (Vosges), le lieutenant Pinci et 23 hommes restent à Auberive.

Lundi 4 septembre.
Un maquis se constitue à la ferme de Pincourt-le-Haut (territoire de Donnemarie), qui a reçu lors d’un parachutage des armes et deux agents français de la mission « Outil » : André Rigot (« Laurent » ou lieutenant « André ») et Pedro (« Boissier » ou lieutenant « Armand »). Le lieutenant Robert Josselin, dit « capitaine Nancy », prend le commandement du maquis de Pincourt.

Vendredi 8 septembre.
Ayant appris la veille que les Allemands évacueraient Châtillon-sur-Seine, le capitaine Géminel et les SAS montent une embuscade sur la route de Chaumont, près de Latrecey. Le combat contre un convoi s'engage à 14 h. Devant la réaction allemande, le repli est ordonné, mais Géminel, grièvement touché à un genou, reste sur le terrain. Il échappe aux recherches allemandes, est finalement découvert par l'abbé Paul Marotel, de Latrecey, et ramené dans le village par des habitants. Géminel est ensuite opéré à Auberive par le médecin-capitaine Henri Le Brigand, qui commande le groupe chirurgical mobile 3. Ce service de santé venu de Paris se compose du sous-lieutenant Marc Dalloz, de Dijon, des infirmiers Eliane Simonard et Jean Lafontaine. . Un avion allié mitraille une voiture au carrefour de Gurgy, à l'ouest d'Auberive. Son chauffeur, le lieutenant Michel Pinci, du 2e régiment SAS, est tué par une balle (des sources discordantes situent aussi sa mort entre le 9 et le 11).

Samedi 9 septembre .
Dans la nuit du 9 au 10, des parachutages ont lieu à Lavernoy, sur la route Saulles – Frettes, et à Frettes. Sur ce dernier, devait arriver l’équipe jedburgh « Nicholas » qui est finalement réceptionnée en Haute-Saône. Le lieutenant Alphonse Sybille, du BCRA, est parachuté avec l’agent « Fantin » (Léon Feldman) sur le terrain « Cherbourg » de la ferme de la Dhuys.

Lundi 11 septembre.
Dans la nuit du 11 au 12, trois officiers alliés sont parachutés près de Leuchey : le capitaine Darwin J. Kitch (« Carel »), nouveau chef du circuit « Glover » devenu "Steady", les lieutenants Curtenius Gillette (« Giuseppe ») et Jacques Boissière (« Bocace »).

Mercredi 13 septembre .
Aux opérations de la conquête de Langres par la 1ère division blindée française et les unités qui lui sont rattachées, prend notamment part l’Operational group (de l’OSS) « Christopher », composé d’une cinquantaine de parachutistes américains d'origine norvégienne largués quelques jours plus tôt à Avot en Côte-d’Or et commandés par le capitaine Melvin Hjeltness. Le lieutenant Gillette, du circuit « Glover », a été blessé au cours de la journée, de même que le parachutiste américain Langeland (après la libération de Langres, le groupe « Christopher » rejoint Auberive puis l’Angleterre le 22 septembre).