samedi 18 décembre 2010

Théodore Galland, héros de la Campagne du Mexique



Le général Théodore Galland (1836-1885). Photo reproduite avec l'aimable autorisation de l'animateur du site Internet Military-photos.


Complètement oublié dans son département natal, le général Théodore Galland a fortement marqué les hommes qu’il a commandés et côtoyés au cours de sa carrière. Les anthologies consacrées à l’armée française se rappellent son héroïque attitude lors du siège de Puebla, au Mexique, en 1863, ou encore que ce lieutenant-colonel de 34 ans fut, sous la IIIe République, l’un de ses plus jeunes généraux.
Jean-Nicolas-Théodore Galland est un enfant du Pays langrois. Il est né le 18 mai 1836 à Baissey, dans le sud du département de la Haute-Marne. Ses racines paternelles sont à Voisines, celles de sa mère, Marie-Jeanne Cordival, à Baissey, petit village du canton de Longeau, où son père, Jean-Baptiste-Claude, exerce la profession d’instituteur, et où il s’est marié en 1832.
Bien instruit – en témoigne sa qualité d’écriture – Théodore Galland souhaite embrasser la carrière militaire. Sans doute a-t-il été édifié, dans sa jeunesse, par la vie de la gloire de la famille, son oncle paternel, également prénommé Jean-Baptiste-Claude : celui-ci, conscrit vésinois sous l’Empire, a été lieutenant au fameux 14e de ligne, a terminé sa carrière comme capitaine au 11e léger, et, chevalier de la Légion d’honneur, est mort prématurément en 1823. Le jeune Théodore était par ailleurs certainement apparenté au sous-lieutenant de dragons Nicolas Cordival, qui « jouissait » du traitement de demi-solde à Baissey sous la Restauration.

Elève à l’école spéciale militaire (Saint-Cyr) en novembre 1855, Théodore Galland en sort au 24e rang - sur 376 - et rejoint, à sa demande, le corps des zouaves. Sous-lieutenant au 1er régiment le 1er octobre 1857, le Haut-Marnais sert en Afrique les deux années suivantes.
Eclate la Campagne d’Italie de 1859, marquée par la boucherie de Solferino. Le 1er zouaves, successivement commandé par les colonels Paulze d’Ivoy et Brincourt, participe à l’attaque de la fameuse tour du champ de bataille. A cette occasion, le sous-lieutenant Galland est blessé par une balle au genou.
En Afrique et en Syrie de 1859 à 1862, il est promu lieutenant le 28 mars 1860 et participe, au sein du corps expéditionnaire, à la Campagne du Mexique, à partir de 1862. Son chef de bataillon – le « brave commandant » Simon-Hubert Carteret-Trécourt – est d’ailleurs un Haut-Marnais, né à Rolampont 42 ans plus tôt.
Lorsque les troupes françaises assiègent la ville de Puebla, Galland y commande provisoirement une compagnie.

Héros de la Campagne du Mexique
Le 6 avril 1863, le Haut-Marnais entre dans l’histoire de l’armée française. Ce jour-là, l’assaut contre Puebla est déclenché. Une poignée de main avec le major de tranchée, Galliffet (futur général à Sedan, féroce adversaire des Communards et ministre de la Guerre), et le jeune officier s’engouffre dans la ville, par une brèche, avec quinze de ses hommes.
« J’avais pour toute arme mon sabre, qui m’a beaucoup gêné, et un petit revolver qui m’a rendu grand service », racontera-t-il. Galland pénètre dans une maison, s’empare de plusieurs pièces mais ne peut enlever une chambre fortement occupée par les Mexicains. On raconte que la retraite des troupes françaises a alors été sonnée, que l’officier ne l’a pas entendue. Il se retrouve cerné avec sa poignée de volontaires, vers lesquels tous les feux convergent.
Un officier mexicain se présente : « Abayé los armos, Chuigados », somme-t-il. Pour toute réponse, l’émissaire reçoit de Galland deux balles de revolver dans la poitrine, au cri de « Chuigado tu mismo ». A une deuxième sommation, dix zouaves se rendent. « Il m’en coûta d’avoir à constater cette désertion que je comprends pourtant sans l’excuser », racontera Galland, qui n’a plus avec lui que cinq hommes, dont trois blessés. Lui-même est fortement contusionné. La situation est intenable. « Il y avait six heures que nous tenions contre toute une armée, c’était humainement tout ce que l’on pouvait exiger de nous… Je voyais du reste que deux pièces de montagne allaient faire brèche et nous ensevelir dans notre réduit… J’avais cinq braves gens qui m’avaient dit : « Nous ferons ce que vous ferez »… » Alors, tandis qu’un sergent-major qui portait le fanion du régiment le cache dans sa culotte bouffante, le Haut-Marnais s’en va rencontrer, à une troisième sommation, le général La Lave. Il « m’embrassa sur les deux joues et m’accorda tout ce que je demandais », ce général n’acceptant ainsi pas son sabre. Une attitude chevaleresque, de la part du Mexicain, qui n’est pas sans rappeler celle qui sera réservée par un de ses compatriotes aux héroïques légionnaires de Camerone, quelques jours plus tard – à noter que ce même 6 avril 1863, le Haut-Marnais Carteret-Trécourt a été blessé par une grenade lors de l’assaut.
Captif, Galland sera promu capitaine, à 27 ans, le 8 mai 1863 – il remplacera l’officier de Marsilly au commandement de la compagnie. Selon le site Military.photos, Galland, libéré le 5 mai, « organise une compagnie de partisans chargée de protéger les convois et de faire la guerre à outrance aux guérilleros… Il est cité le 10 mai 1865 pour sa conduite au combat de San Geremino (28 janvier 1865) »Le 23 juin 1864, il est fait, comme son oncle, chevalier de la Légion d’honneur. « A fait preuve d’un courage et d’une intelligence remarquables dans toutes les circonstances et particulièrement pendant le siège de Puebla », justifiera le décret associé à cette nomination.

Chef de régiment à 34 ans, durant le siège de Paris
Revenu du Mexique en 1867, promu adjudant-major l’année suivante, Galland est nommé, le 15 juillet 1870, chef de bataillon au 15e régiment d’infanterie de ligne, à seulement 34 ans. Il en commande le 4e bataillon.
Arrivé à Paris mi-août, il est affecté au 6e régiment de marche, et, le 21 novembre, il reçoit son brevet de lieutenant-colonel du 117e régiment « de marche ». Galland est sans doute, alors, l’un des plus jeunes chefs de corps de l’armée française.
Une nomination qui survient lors du siège de Paris, à propos duquel Galland laissera des notes succinctes, rapportées par Charles Gavard, et où l’humour le dispute à la consternation.
Avec son régiment – qui, avec le 118e, forme la brigade du général Lecomte, fusillé plus tard par des Parisiens, division Susbielle, 2e corps, armée Ducrot – Galland va se battre le 30 novembre à Montmesly. « Je n’avais jamais entendu siffler un pareil essaim de mouches à miel, je voyais les balles suivre mon cheval. Perdu 500 hommes et treize officiers. Je ne comprends pas comment j’en suis revenu », notera-t-il. Le 2 décembre, il lutte encore à Champigny. « J’occupe, avec quatorze compagnies, les avant-postes ». Au cours de l’un de ces combats, il se retrouve à défendre un ouvrage… comme, sept ans plus tôt, la maison de Puebla.
C’est le 27 janvier 1871 que, parmi les généraux et chefs de corps, il apprend, de la bouche du général Trochu, la nouvelle de l’armistice.
Son régiment aurait été dissous le 24 mars 1871. A noter que l’un de ses officiers, le lieutenant Pierre-Hippolète Defoix, mort le 2 décembre 1870 des suites de blessures reçues à la bataille de Champigny, est originaire de la région de Saint-Dizier.

Après ce triste épisode de sa carrière militaire, Galland est promu, le 12 mai 1873, colonel du 54e de ligne à Compiègne, puis général en 1882 (il commande la 47e brigade d’infanterie à Bergerac, puis l’année suivante la 53e à Grenoble), alors qu’il n’a pas 46 ans. Il est appelé à un commandement en Tunisie mais un mal – mot pudique - le ronge déjà. Officier de la Légion d’honneur depuis 1880, le général Galland meurt à Saint-Sever, dans les Landes, en 1885, à l’âge de 49 ans.
Charles Gavard lui consacrera, dans « Le Correspondant », en 1886, une vingtaine de pages fort élogieuses.

Sources : dossier de membre de la Légion d’honneur ; état civil de la commune de Baissey ; « Le Correspondant » (1886) ; site Internet Military.photos.